Passons rapidement sur Closer. Ses motivations sont exclusivement commerciales, et non politiques ou éthiques. C’est un peu minable, chacun en convient.
Mais dans cette (toute petite) affaire, l’hypocrisie est totale : la presse people sort des noms, mais, tout en la condamnant, les autres médias amplifient avec délices le buzz… Notons aussi que, lorsqu’il s’est agi de la compagne de François Hollande, certains des horrifiés d’aujourd’hui étaient les rieurs d’hier ! L’hypocrisie des élites est parfois sidérante…
Resituons les faits…
Closer publie des photos (de banales scènes de rue) d’un des dirigeants du FN. Il est gai ? La belle affaire ! Chez les journalistes et les élus, chez les responsables LGBT aussi, c’était un secret de polichinelle.
Pourtant, le chœur des pleureuses s’indigne et on voit aussitôt un cortège de députés – y compris de gauche – se précipiter au chevet du frontiste pour lui apporter une solidarité… de caste !
Mais, en réalité, est-ce un vrai outing ?
Certes, le grand âge et une homophobie simpliste ont pu laisser penser à Jean-Marie Le Pen que tous les gays de France habitaient dans le Marais alors que certains squattent depuis longtemps son bureau politique… Mais il suffisait de surveiller Minute ou les sites néo-fascistes pour y trouver des informations que beaucoup prétendent découvrir. En janvier 2013, le vice-président du FN, Florian Philippot, accusait déjà l’hebdomadaire d’extrême-droite Minute de « répandre des rumeurs sur un éventuel “lobby gay” dans le parti. » Chacun avait noté qu’il ne démentait rien d’autre. Et des homosexuel•le•s, il y en a dans tous les partis, à l’UMP et à l’UDI aussi, et pas des moindres…
Bref, en quoi donc est-ce une information ? Nous connaissons tous des élus, les uns sont gays, d’autres bisexuels, d’autres hétérosexuels. En quoi est-ce important ? En soi, aucunement car, en France, la plupart des électeurs s’en fichent. Là où l’outing d’un élu pourrait se justifier, c’est si l’opinion ignore que tel député emblématique des campagnes homophobes actuelles est homosexuel. Savoir qu’un élu est un menteur et un hypocrite est une information qui intéresse les citoyens. Mais ce n’est pas évidemment pas Closer qui se chargera de cette action de salubrité publique…
L’outing n’indigne les politiciens que s’il les touche, jamais quand ils l’infligent quotidiennement à de simples citoyens !
L’outing, c’est mal nous disent ces bons apôtres, éditorialistes, députés et dirigeants de partis. Mais les mêmes n’ont aucun état d’âme, pas un geste et pas un mot, pour s’élever contre l’outing permanent, et lui terriblement destructeur, que subissent, de leur faute, de simples citoyens qui ne bénéficient pas, eux, du soutien indigné de ces mêmes élus ! Députés et sénateurs organisent en effet sciemment – au travail, à l’université, dans les bureaux de vote, à la poste, dans les aéroports, lors des examens et des concours de recrutement, à Pôle emploi et jusqu’à leur domicile via le courrier – l’outing permanent de dizaines de milliers de simples citoyens français !
En se refusant à voter en France, malgré les demandes répétées de toutes les associations, en particulier de la Fédération LGBT, une loi accordant le changement libre et gratuit aux personnes transgenres (l’Argentine et le Danemark l’ont déjà fait et d’autres pays européens y travaillent pourtant), ils font vivre à toutes ces personnes un outing quotidien. Si c’est si terrible d’être outé, pourquoi le font-ils aux plus faibles ?
La Fédération LGBT en a assez de cette hypocrisie de nombreux élus (nous n’oublions cependant pas que certains d’entre eux soutiennent cette exigence de protection de la vie privée de simples citoyens). Comment osent-ils, ces politiciens opposés au changement d’état civil libre et gratuit, et qui infligent sans état d’âme l’outing permanent à des dizaines de milliers de simples citoyens – les personnes transgenres – pousser des cris d’orfraie quand l’un des leurs est soumis au même régime : la publicité !
La Fédération LGBT n’a jamais eu jusqu’ici de position tranchée sur la question de l’outing des élus. Mais à voir cette pratique de deux poids deux mesures cynique d’élus qui infligent aux autres chaque jour de leur vie ce qu’ils refusent de subir pour eux-mêmes quelques semaines, nous estimons que le problème mérite d’être posé.
S’il y avait une vraie morale à cette affaire, ce pourrait être : élus de la République, ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse à votre tour, un jour ! Ce n’est pas encore un avertissement, mais c’est déjà un conseil : occupez-vous plutôt du sort des simples citoyens que de votre petit confort de l’entre-soi !
- CONTACTS PRESSE : Stéphanie NICOT, présidente et Dominique GANAYE, porte-parole contact@federation-lgbt.org