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Le 4 juillet dernier, le Rassemblement National a déposé une proposition de loi (Proposition de loi n° 1498) visant à limiter la participation des sportifs de haut niveau aux compétitions, uniquement dans la catégorie de sexe indiquée sur leur acte de naissance. C’est une prise de position très claire en faveur de la discrimination des personnes transgenres et intersexes dans le sport de haut niveau. Face à cette proposition, la Fédération LGBTI+ appelle les élu·e·s à faire preuve de vigilance et de discernement au regard de cette nouvelle offensive idéologique.

Le contexte de transphobie

Cette proposition de loi intervient dans un contexte où l’égalité des droits a connu des avancées importantes. C’est notamment le cas depuis la déclassification de la transidentité de la liste des pathologies psychiatriques par l’OMS en janvier 2022. De plus en plus de gouvernements répondent aux revendications des minorités de genre, assouplissant leurs législations pour éliminer les discriminations. En France, la dernière avancée est due au Défenseur des droits, avec la décision-cadre 2020-136, qui énonce des recommandations claires en faveur de l’égalité des droits pour les personnes transgenres. Discrédités par ces progrès historiques, les groupes « anti-genre » mis en minorité se radicalisent et multiplient les attaques médiatiques et politiques, usant d’arguments transphobes fondés sur des idées complotistes, et donc au mépris des faits et sans aucune expertise solide à l’appui !

Ces idées, importées des États-Unis et largement répandues dans la presse, sont relayées en France par des personnalités telles que Dora Moutot ou Marguerite Stern. Elles alimentent de nombreux fantasmes, en particulier à l’égard des femmes transgenres, et accusent les associations LGBTI+ de vouloir détruire les fondements de la civilisation.

En réalité, les personnes transgenres ne menacent personne, mais font l’objet de discriminations et des violence inacceptables. Les associations LGBTI+ ont pour objectif d’aider ces personnes dans leurs démarches administratives et de santé, afin de garantir leurs droits. Elles se battent pour faire disparaître les dispositions discriminatoires de la législation.

Ces groupes et personnalités transphobes sont soutenus par l’extrême droite et les factions les plus intégristes de plusieurs religions et trouvent, malheureusement, un écho dans l’ensemble du spectre politique, des Républicains à la Fédération Anarchiste. Ils tentent d’actionner trois leviers pour entraver l’avancée vers l’égalité : la peur des hommes transgenres enceints, la peur de la manipulation des enfants transgenres et la négation des personnes intersexes. Ils mobilisent la peur et l’ignorance au plus grand mépris des réalités concrètes.

Bien que nombre d’élu·e·s à l’Assemblée Nationale et au Sénat se tiennent à l’écart de ces thèses absurdes et dangereuses, le Rassemblement National se fait leur porte-voix au sein de l’institution parlementaire. C’est dans ce contexte que M. Julien Odoul, député du Rassemblement National, a proposé cette loi visant à discriminer les personnes transgenres dans le sport. Qu’il s’en défende sans argument ne change rien à l’affaire.

Genre et sport :
Il n’y a pas de solution toute faite !

La question des personnes transgenres concourant dans la catégorie de leur genre est complexe : on ne peut y répondre de façon simpliste ou caricaturale. Les catégories « homme » et « femme » ont été établies par souci légitime d’équité. Il s’agit en effet de compenser des capacités physiques différentes qui peuvent exister, en moyenne, entre ces deux groupes. Ces catégories font l’objet de questionnements, au même titre que celles du poids ou de l’âge.

Il est capital aussi de rappeler que la classification universelle des personnes en deux sexes est discutée et s’appuie sur des critères qui font généralement abstraction de la diversité des corps et en particulier de l’existence des personnes intersexes. Preuve en est avec les attitudes abjectes de certaines fédérations sportives et de certains médias face à des athlètes intersexes.

Il n’existe donc pas de solution unique et universelle : la situation de chaque personne, la discipline sportive et les capacités physiques requises sont autant de facteurs différents pris en compte par des instances sportives plus ou moins inclusives.

La Fédération LGBTI+, comme toutes les associations LGBTI+, plaide pour l’égalité des droits, l’autodétermination et la libre disposition de son corps. Elle soutient notamment le changement d’état civil libre et gratuit, sur simple déclaration en mairie. Au sein des instances sportives, la charte « Sport & Trans » constitue une référence utile pour tout club sportif qui souhaite contribuer, de façon pragmatique, à l’inclusion des personnes transgenres.

Ne nous fourvoyons pas, la proposition de loi transphobe du Rassemblement National n’est qu’une opportunité de servir leur politique anti-LGBTI, leur haine des personnes transgenres et intersexes et leur constante recherche du bouc-émissaire. Pourtant ce n’est que dans le respect de tou·te·s que les valeurs sportives de partage, de courage et de solidarité pourront briller.

Face à l’escalade des dégradations et des violences, la Fédération LGBTI+ sollicite auprès des pouvoirs publics une protection renforcée pour les Centres LGBTI+ et les Marches des Fiertés LGBTI+ à travers le territoire national. Les réseaux d’extrême droite semblent constituer une menace croissante pour ces espaces d’affirmation et de solidarité.

Depuis plusieurs mois, la Fédération LGBTI+ constate une recrudescence d’incidents visant les Centres LGBTI+. Les attaques vont de la dégradation à l’incendie criminel :

  • Le 21 février 2023, le Centre LGBTI+ de la Réunion a subi une visite intrusive suivie d’un incendie criminel. Des insultes homophobes maculaient les lieux, conduisant à la condamnation à un an de prison d’un jeune majeur.
  • Le Centre LGBTI+ de Nantes, géré par l’association NOSIG, a été la cible de dégradations homophobes le 18 mai 2023, au lendemain de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie. Les graffitis anti-LGBTI+ ont nécessité un nettoyage dans la semaine suivante. En 2022, ce centre a subi cinq dégradations.
  • Le Centre LGBTI+ de Lorraine-Sud à Nancy, dirigé par l’association Équinoxe, a été victime d’une tentative de déboulonnage de sa plaque et d’ajout d’autocollants par un groupe maurrassien.
  • Le Centre LGBTI+ 66 de Perpignan a connu une série de vandalisme : boîte aux lettres régulièrement vandalisée, vitrophanie arrachée, et même un graffiti insultant sur une des façades.
  • Le Centre LGBTI+ de Touraine a subi une attaque à l’aide d’un engin explosif le 22 mai, marquant la sixième attaque en deux mois et demi.

En outre, nous avons appris récemment que la Ville de Lyon a dû retirer une exposition LGBTI+ suite à deux dégradations. La Marche des Fiertés LGBTI+ de Saint-Brieuc a également été marquée par la présence de tags homophobes.

Ces attaques surviennent dans un contexte de propagande anti-LGBTI+ contestant les interventions de prévention contre les discriminations conduites par les associations LGBTI+ dans les collèges et les lycées.

Le point culminant de cette escalade de la haine s’est manifesté lors de l’attaque du Centre LGBTI+ de Touraine le 22 mai avec un engin explosif, alors que des bénévoles étaient présents. Dans une lettre adressée au Ministre de l’Intérieur, la Fédération LGBTI+ sonne l’alarme : il y a une intention de nuire, voire désormais de tuer. La Fédération évoque des méthodes rappelant celles des attentats terroristes.

Depuis le conflit politique autour de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe (2012-2014), le niveau de violences anti-LGBTI+ n’a cessé de croître pour atteindre un niveau inégalé. Sans une protection renforcée, la Fédération LGBTI+ et les associations françaises craignent désormais pour la sécurité des militant·es LGBTI+.

Il apparaît clairement que bon nombre de ces dégradations ont des liens directs avec des groupuscules nationalistes et autoritaires.

La Fédération LGBTI+ demande des mesures de protection renforcées pour les Centres LGBTI+ et les Marches des Fiertés LGBTI+. Elle rappelle que ces espaces sont essentiels pour le bien-être, la sécurité et l’autonomie des personnes LGBTI+ à travers le pays. Pour faire face à ces risques, la Fédération devra travailler aux bonnes pratiques de sécurité et invite toutes les associations LGBTI+ à communiquer toute situation – même mineure – aux services de police.

En conclusion, la Fédération LGBTI+ sollicite l’attention et l’action des pouvoirs publics, pour que les enquêtes de police et les décisions de justice permettent de démanteler les réseaux homophobes et d’extrême droite. Seul un engagement ferme de l’Etat peut assurer la protection et la sécurité de la communauté LGBTI+ et de ses lieux d’expression. La haine et l’intolérance n’ont pas leur place dans notre société, et nous ne cessons de le réaffirmer. Notre lutte continue.

Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation

Visuel pour la Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportationFédération LGBTI+ – sous CC BY-SA

Le dernier dimanche du mois d’avril a lieu une journée nationale d’hommage aux personnes dont le destin a croisé l’infamie humaine des camps de concentration et d’extermination. Les associations et Centres LGBTI+ seront au rendez-vous pour honorer les victimes et héros de la déportation et porter le souvenir des victimes de persécutions à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre pendant la Seconde Guerre mondiale.

C’est seulement en 2005 que dans son discours à l’occasion de la journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation, le Président de la République, Jacques Chirac, reconnait officiellement qu’il y a bien eu des personnes déportées à raison de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre depuis le territoire français. Les associations LGBTI+ et les historien·ne·s travaillant sur la mémoire avaient apporté des preuves de ces faits depuis de nombreuses années. Désormais, que des Français·e·s aient porté le triangle rose (homosexuels) ou le triangle noir (asociaux, dont les femmes lesbiennes) n’est plus remis en question. Le rôle actif de la police française et des services de l’État Français est quant à lui trop souvent oublié.

Il est pourtant fondamental d’entretenir ce devoir de mémoire et de porter un regard éclairé sur les erreurs atroces de notre passé sous peine d’avancer aveugles vers de nouvelles horreurs. Nous nous joignons à l’exigence nationale d’honorer la mémoire de tous les déportés, “sans distinction”, comme l’exprime la loi du 14 avril 1954. Une délibération ancienne de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité) le rappelle : les préfectures doivent associer les associations LGBTI+ à l’organisation des cérémonies (Délibération 2009-2022 du 8 juin 2009). Cette décision n’est hélas pas toujours mise en œuvre par les services de l’État.

La perméabilité de plus en plus forte des idées d’extrême-droite dans la société, aidée d’une complaisance dans les médias et les milieux politiques, nourrit une grande inquiétude dans nos associations LGBTI+. L’extrême-droite porte une opposition viscérale aux droits des minorités sexuelles et de genre. L’historique des votes d’élu·e·s et les prises de position publique répétées de membres des partis d’extrême-droite ne ment pas. Nous ne sommes pas dupes de leurs opérations de séduction. Celles-ci rendent leur populisme encore plus détestable. 

Depuis plusieurs années, nous assistons aussi à une stigmatisation grandissante des minorités en Europe : rejet des populations exilées, violences sur les minorités sexuelles, remise en question des avancées féministes… Ce sont parfois les gouvernements de pays membres de l’Union Européenne qui orchestrent les persécutions, comme en Hongrie ou en Pologne. La France n’est pas exempte de la montée de ces courants haineux.

La Fédération LGBTI+ note aussi la pente autoritaire adoptée par plusieurs gouvernements en Europe et en particulier en France. Le durcissement des pouvoirs face à sa population, la répression des mouvements sociaux au mépris de la loi, la militarisation des forces de l’ordre sont des indicateurs sans équivoque d’un glissement pré-fascisant. Il ne s’agit pas là d’une analyse orientée que nous ferions mais bien de l’analyse partagée par plusieurs expert·e·s internationaux (ONU, Conseil de l’Europe, Amnesty International…).

Les militant·e·s qui chaque jour défendent les droits humains des personnes LGBTI+ aujourd’hui s’inscrivent dans une histoire commune de survie face à la barbarie et le mépris. C’est toujours le même élan qui les animent : la solidarité et le respect des libertés ont toujours été plus fortes que la haine et la violence

Cette histoire nous oblige dans notre devoir de mémoire. Elle nous oblige dans la défense de toutes les minorités exposées à la haine.

La Fédération LGBTI+ ne peut donc qu’encourager la participation de tou·te·s et tous aux cérémonies dimanche. Portons la mémoire de celles et ceux qui ont croisé l’horreur humaine sur leur chemin car nous savons que le ventre est encore fécond et qu’il a commencé à germer à nouveau.