PORTRAIT. Pour la première fois de son histoire, la Belgique sera dirigée par un gay assumé. Elio Di Rupo mènera une coalition hétéroclite associant socialistes, libéraux et centristes. Le gouvernement nouvellement formé prêtera serment mardi.
 
C’était devenu une mauvaise blague belge. Aujourd’hui, 540 jours après s’être rendu aux urnes en juin 2010, les Belges ont enfin un gouvernement. A sa tête, un homme qui s’est forgé une stature d’homme d’Etat et une réputation de fin stratège au fil de ces longs mois de négociation: Elio Di Rupo.
 
 
Italiens immigrés
C’était pourtant loin d’être gagné. Car l’actuel maire de Mons n’est pas seulement le premier Premier ministre ouvertement gay de l’histoire du pays. C’est aussi la première fois qu’un homme issu de l’immigration accède à cette fonction. Et c’est encore la première fois depuis plus de 30 ans qu’un francophone prend les commandes de la Belgique. Il a en plus le défaut d’être socialiste alors que la Flandre vote à droite.
 
Agé de 60 ans, Elio Di Rupo naît dans une famille italienne immigrée en Belgique pour travailler dans les mines. Le père décède alors que le petit Elio est âgé d’un an à peine. Il sera élevé par sa mère et sa sœur aînée. Après un doctorat en chimie, il se lance en politique et exercera diverses hautes fonctions à partir des années 80. Depuis 1999, il préside le PS francophone.
 
Coming out en 2001
Dans un pays où la presse respecte la vie privée des élus, son homosexualité était inconnue du grand public jusqu’en 1996. Un jeune mythomane l’accuse de pédophilie alors qu’il est ministre fédéral. La Belgique est à l’époque secouée par l’affaire Dutroux, et il règne un climat de chasse aux sorcières. Le scandale a failli le pousser à la démission (c’était d’ailleurs ce que souhaitait certains membres du gouvernement). Finalement blanchi, il en restera meurtri. Dans une biographie qui vient de paraître, il raconte que la magistrate qui traitait son dossier avait confié à son avocat «il n’est peut-être pas pédophile, mais il est quand même homosexuel».
 
En 2001, Di Rupo sort officiellement du placard dans le magazine de la Fédération flamande des associations d’homosexuels. «Je crois qu’il est bien que je m’exprime maintenant, même si c’est difficile, dans la mesure où cela pourrait favoriser une plus grande égalité entre les gens», dit-il. Dans sa biographie, il raconte qu’une journaliste l’avait interpellé en lui demandant s’il était homosexuel. Il avait répondu «oui, et alors?».
 
Tiré à quatre épingles
Depuis lors, Elio Di Rupo vit son homosexualité de manière discrète. Les fêtards bruxellois ont parfois l’occasion de l’apercevoir dans les bars ou les boîtes du centre-ville. Mais il n’est jamais apparu en couple en public et est officiellement célibataire. L’homme est très soucieux de son image. Ses cheveux sont toujours uniformément noirs et personne n’ignore qu’il a eu recours à la chirurgie esthétique pour effacer quelques rides. Toujours tiré à quatre épingles, il a fait du nœud papillon son signe distinctif. Quand il quitte cet uniforme, il fait du sport dans une salle branchée et gay-friendly de la capitale. L’an dernier, il avait fait sensation devant la presse en inaugurant la piscine de Mons uniquement vêtu de son maillot de bain, faisant ensuite quelques longueurs, un exercice que peu de ministres de son âge pourraient accomplir sans être ridicules.
 
Il reste deux ans et demi avant les prochaines élections. Une éternité dans ce pays où les coalitions sont toujours fragiles et où chaque dossier peut devenir explosif. Entre conflits communautaires et austérité budgétaire, la vie du Premier ministre Elio Di Rupo ne sera pas un long fleuve tranquille.