Que veut au juste Nicolas Sarkozy en matière de mariage et de parentalité pour les homosexuels ? Depuis la "une" du quotidien Libération, vendredi 13 janvier, décrivant un président "tenté par le oui", les demandes de clarification se multiplient à droite et parmi les associations de défense des droits des homosexuels.
 
Le démenti publié par l’Elysée dans la foulée n’y a rien changé. Jusque dans son propre camp, on interprète les propos de l’entourage du président comme un "ballon d’essai", un "coup" destiné à tâter le terrain. Objectifs prêtés à Nicolas Sarkozy: brouiller les pistes, aller sur le terrain de ses opposants, faire moderne… et observer les retombées. La tactique avait déjà été utilisée sur le droit de vote des étrangers aux élections locales avant 2007.
 
Principal enseignement de l’épisode: à droite, les lignes bougent. Déjà, en juin2011, une dizaine de députés de droite avaient voté favorablement à la proposition de loi socialiste en faveur du mariage gay. En novembre, six jeunes secrétaires généraux de l’UMP appelaient à l’ouverture du mariage à tous les couples dans une tribune publiée par L’Express. La "une" de Libération a déclenché de nouvelles prises de position: le ministre de l’agriculture, Bruno Le Maire, se déclare désormais "à titre personnel, pour l’égalité des droits". Luc Chatel, le ministre de l’éducation, est convaincu "qu’il y aura un jour légalisation du mariage homo". Il voit là une "tendance de l’histoire". Deux voix importantes à droite, qui viennent rejoindre celles d’Alain Juppé, Chantal Jouanno, Nadine Morano, Jean-Louis Borloo, Roselyne Bachelot… L’électorat de la majorité n’y est d’ailleurs pas complètement hostile. Selon BVA, 51% des électeurs de droite sont favorables au mariage gay, 47 % opposés.

 
UN "SÉISME"
 
 
"Ce qui se passe à droite est un séisme, affirme Stéphane Corbin, porte-parole de la fédération des associations et centres LGBT (Lesbiennes, gays, bis et trans de France). Ces voix sont encore peu nombreuses, mais on sait que les vagues de fond commencent toujours petit." Les associations de défense des droits homosexuels sont cependant méfiantes. Une union civique, plus riche que le pacs mais moins que le mariage, faisait déjà partie du programme du candidat Sarkozy en 2007, ainsi qu’un statut des beaux-parents censé régler certains problèmes des familles homoparentales. Une fois élu, Nicolas Sarkozy n’a pas honoré ses promesses.
 
Les associations sont de toute façon hostiles à une union qui ne comporterait pas les mêmes droits et devoirs que le mariage, y compris en matière de parentalité. Ils s’opposent également à tout contrat spécifiquement réservé aux personnes de même sexe. "Nous voulons que l’on fasse cesser une discrimination en laissant le choix aux gens de se marier ou non, affirme M. Corbin. Pas une mesure communautariste." Or la position du président aujourd’hui est loin d’être claire.
 
Il n’empêche, la droite parlementaire s’affole. Quatre-vingt-deux parlementaires UMP et Nouveau Centre ont signé un "manifeste pour la défense du droit fondamental de l’enfant d’être accueilli et de s’épanouir dans une famille composée d’un père et d’une mère". La base UMP reste très hostile au mariage gay et à la reconnaissance de l’homoparentalité. Elle redoute des pertes électorales beaucoup plus importantes que les gains potentiels.
 
 
"Après Libération, vous ne vous imaginez pas le nombre de courriels et de textos reçus, on nous demandait si on était devenus fous", s’exclame Richard Maillé (UMP, Bouches-du-Rhône). "J’ai demandé une clarification de notre position en réunion de groupe UMP, relate Hervé Mariton, député UMP de la Drôme, et spécialiste des questions de famille. On m’a répondu que ce sont des sujets qui nous divisent trop pour que nous prenions position.J’aimerais pourtant savoir où je vais."
 
Même constat de Claude Goasguen (UMP, Paris): "J’espère que la position de Nicolas Sarkozy va être éclaircie, affirme l’élu. Il était déjà passablement obscur sur ce sujet en 2007. Je ne doute pas que nous le ramènerons à la raison une nouvelle fois."