INTERVIEW. Le nouveau président de Flag!, qui représente les policiers et gendarmes homos, fait le point sur ses revendications et sur les moyens d’améliorer les contacts entre forces de l’ordre et victimes d’homophobie.
 
 Cela faisait quelques années que l’on n’entendait plus parler de Flag!, l’association des personnels LGBT de la police nationale et de la gendarmerie qui vient de célébrer son dixième anniversaire. Et pour cause: depuis deux ans environs, l’association de 500 membres* s’était focalisée sur l’aspect convivial de ses activités, au détriment du combat pour faire avancer les droits des membres des forces de l’ordre homos.
 
 
Mais depuis le 8 octobre et l’élection de son nouveau bureau, l’association signe son retour sur la voie des revendications. Pour le faire savoir, une délégation s’est rendue la semaine dernière au ministère de l’Intérieur où elle a rencontré Marie-France Moneger-Guyomarc’h, directrice adjointe des ressources humaines de la police (DRCPN): l’occasion pour nous de faire le point avec Mickaël Bucheron, son nouveau président, sur le nouveau Flag!.
 
TÊTU: Quel sens donnez-vous à votre arrivée à la tête de Flag?
Mickaël Bucheron: Les adhérents ont marqué leur volonté de revenir sur le fond: la lutte contre l’homophobie et contre les discriminations. Tout en poursuivant quelques-uns des événements comme les tea-dance, nous avons donc ressorti notre ancienne plate-forme de revendications et demandé à être entendus par le ministère de tutelle des policiers. Chose faite la semaine dernière. Le bon signe, c’est qu’on a été reçu longtemps, plus d’une heure trente, et l’accueil a été très bon. Nous devons y retourner début 2012 pour voir concrètement sur quels dossiers on peut avancer.
 
Quelles sont vos revendications?
En termes juridiques, il subsiste des inégalités même entre policiers et gendarmes puisque ces derniers, comme les militaires, continuent de toucher la pension d’invalidité de leur pacsé décédé, contrairement aux policiers. On réclame aussi, pour tous, la pension de réversion, l’inscription automatique du pacs dans la feuille annuelle de notation des policiers. On voudrait que le respect de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre soit inscrit dans le code de déontologie comme dans le règlement général des policiers.
 
Une façon de sensibiliser les forces de l’ordre aux questions LGBT, donc… Et justement en termes de formation, que réclamez-vous?
Nous voulons de l’affichage dans les commissariats, un vrai module dédié au sein de la formation initiale des policiers, de l’information spécifique dans le memento procédural (formation continue) et dans le rappel de la loi (qui accompagne une nouvelle affectation)…
 
Une partie du travail de Flag! est aussi d’aider les victimes d’homophobie dans leurs contacts avec la police. Que peut-on améliorer?
Le préalable pour améliorer ces contacts, c’est la formation des policiers. A part cela, il faut sensibiliser la population pour l’inciter à déposer plainte lorsqu’elle est victime d’une agression homophobe. Cela se fait dans les bars aux Pays-Bas avec une communication officielle, pourquoi pas chez nous? Ce serait un signe très fort. On voudrait aussi un indicateur national des agressions homophobes, comme cela existe pour les agressions antisémites par exemple, et qui serait plus complet que le rapport annuel de SOS homophobie. On veut que la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie soit prise en compte et que le système de policiers référents «homophobie» dans les commissariats soit autre chose qu’une simple promesse à l’Idaho (lire notre article, NDLR).
 
Et finalement, quel message voulez-vous faire passer aux homos amenés à contacter les services de la police?
Il ne faut pas hésiter à franchir les portes des commissariats ou des gendarmeries. Je sais qu’on peut appréhender un accueil pas très cordial, mais il faut absolument déposer plainte, signaler tout acte homophobe en amenant autant que possible des éléments concrets de preuve. Si cela ne se passe pas bien, on peut essayer un autre hôtel de police ou gendarmerie si c’est possible, ou bien, pourquoi pas, nous écrire par mail et par courrier. On peut tenter de débloquer les réticences de policiers. Quoi qu’il en soit, il faut faire évoluer les mentalités, et cela passe aussi par la mise au jour de l’homophobie.
 
* Flag! compte environ 500 membres et trois délégations régionales à Marseille, Nantes et Lille (d’autres sont en cours de reformation).