Une proposition de loi PS qui va dans le bon sens… malgré des insuffisances et des erreurs manifestes !
 
La Proposition Parlementaire de Loi (PPL) de la députée Michèle Delaunay en faveur du changement d’état civil des personnes transsexuelles et transgenres est une démarche positive, bien que parcellaire au vu de la situation de non respect de leurs droits par l’état français.
 
Le refus de l’UMP d’intégrer l’identité de genre à la récente loi concernant les délais de prescription en matière d’homophobie a cependant poussé le groupe PS à déposer trop précipitamment un projet de loi qui était encore en cours d’élaboration, et plutôt destiné à la prochaine législature. Pour preuve : le PS n’a même pas eu le temps, comme cela était sans doute prévu, de consulter les associations transgenres. D’où, dans l’exposé des motifs, des formulations hâtives, des termes imprécis, des incohérences de rédaction et, dans le texte de loi lui-même, des dispositions qui nécessitent des améliorations importantes.
 
Des déclarations d’intentions positives du PS…
 
L’Association nationale transgenre (A.N.T.) prend acte de la volonté du PS d’ouvrir un débat public sur les questions de genre. Nous sommes prêtes pour notre part, comme nous l’a récemment proposé Martine Aubry au nom du Parti socialiste, à participer au groupe de travail sur l’identité de genre dirigé par madame Delaunay, car il reste du travail pour aboutir à un bon projet de loi, digne des résolutions européennes actuelles.
 
Comme Madame Delaunay aujourd’hui, l’Association nationale transgenre souligne depuis toujours que la « médicalisation de la procédure de rectification de l’état civil ne peut convenir et ne convient pas. ».
Comme elle, conformément aux textes européens, l’ANT estime que « la rectification de la mention du sexe à l’état civil ne saurait être subordonnée à une quelconque exigence de parcours médical. » C’est un point essentiel de la résolution 1728 (2010) du Conseil de l’Europe, à laquelle se réfèrent aujourd’hui la quasi totalité des associations LGBT et transgenres françaises.
 
Et une proposition de loi à améliorer !
 
Pour tout dire, et c’est malgré tout l’essentiel pour les personnes transgenres, la proposition de loi du PS est meilleure que l’exposé des motifs qui la précède, et qui va sans doute faire réagir négativement nombre de personnes concernées…
 
Mais comme toujours, le diable est dans les détails…
 
1. Le projet de loi veut subordonner tout changement d’état civil des personnes transgenres… au divorce obligatoire des couples constitués avant la transition d’un des époux ! Pour le PS, le « mariage préexistant doit être dissout au jour de l’introduction de la requête en rectification. » Le PS doit renoncer à cette mesure, inhumaine pour les couples qui résistent à la transition d’un des conjoints. Faute de quoi, il inquiéterait tout le mouvement LGBT sur sa détermination à ouvrir tout de suite le mariage aux couples homosexuels !
 
2. La PPL a “oublié” un élément pourtant essentiel du changement d’état civil : le changement de prénom ! À quoi servirait, pour une personne transgenre, un passeport qui porterait la nouvelle mention « sexe : F » en conservant le prénom d’origine, Jean-Charles, par exemple ? Séparer les deux n’a aucun sens, sans compter les délais et les coûts inhérents au changement de prénom via un avocat.
 
3. La proposition du PS comporte surtout une erreur manifeste qui pourrait, si elle n’est pas corrigée, vider la future loi de son sens : « L’abus manifeste du requérant fonde l’intervention du Ministère public », formulation reprise avec insistance : « Le tribunal ordonne, sauf abus manifeste, la rectification de la mention du sexe. »
Laisser le juge aux affaires familiales décider si la rectification de la mention du sexe est, ou non, « un abus manifeste », reviendrait, en pratique, à laisser se perpétuer l’arbitraire judiciaire actuel. Ce serait alors un renoncement du législateur au profit, comme aujourd’hui, d’une liberté d’appréciation des seuls magistrats.
Pourtant, lorsqu’il s’agit du mariage, autre affaire sérieuse, le parquet ne peut pas avancer une vague notion d’ « abus manifeste ». Il ne peut s’opposer que sur des critères précis, évidents, définis par la loi : non consentement d’un des époux, existence d’une union précédente non dissoute, absence de projet matrimonial. Pour le changement d’état civil, le législateur doit procéder de même : considérer que la liberté est totale, sauf cas exceptionnels, strictement définis par la loi. Pour notre part, nous voyons mal ce qui pourrait y correspondre en matière de changement d’état civil.
 
Le changement d’état civil que nous voulons ? Simple, complet, de droit, en un mot : libre et gratuit ! Et, pour engager enfin une mobilisation collective contre la transphobie, la future majorité parlementaire devra aussi intégrer l’identité de genre parmi les critères de discrimination prévus par la loi. Dès l’automne 2012 !