A force de persévérance, deux couples de même sexe se sont frayé un chemin dans le code civil mexicain pour obtenir leur union légale. Et les enjeux économiques dans cet Etat prisé par les gays devraient empêcher les recours des opposants…
Après Mexico, le Quintana Roo devient le deuxième Etat mexicain à autoriser le mariage gay. Le 28 novembre dernier à Cancun, dans la plus stricte intimité, deux couples, Patricia (ci-dessus à droite) et Areli, Sergio (à gauche) et Manuel, ont apposé leurs signatures sur le registre civil en présence d’un juge. «Il n’y a pas de mots pour décrire cet instant. Toutes ces luttes, tout ce travail, toutes ces recherches pour arriver à jour. C’est à tout ça que j’ai pensé», explique Patricia, jeune mariée et responsable du collectif Diversidad Somos Todos.
Convaincre une juge
Mais contrairement à Mexico, le mariage gay à Cancun et dans son Etat a été obtenu… par défaut. Aussi incroyable que cela puisse paraître, aucune réforme de la Constitution ou du code civil n’a été nécessaire. «Depuis un an nous cherchions un moyen légal de faire reconnaître le mariage entre personnes de même sexe. A force de rencontres avec des députés ou des fonctionnaires du registre civil, nous avons réalisé qu’il y avait une faille dans le code civil. Le texte ne précise pas qu’un mariage doit avoir lieu entre un homme et une femme.» Couplé avec l’article Premier de la Constitution du pays qui interdit toute forme de discrimination, légalement il est impossible de refuser le mariage gay à Cancun.
Impossible dans les faits, mais dans la réalité, trouver un juge qui accepte d’appliquer la loi a été plus compliqué. «Au départ personne n’a voulu nous marier. Mais ils se sont bien rendus compte que nous pourrions déposer un recours pour non respect de la loi. Nous avons donc réussi à convaincre une juge qui n’a fait que son travail.» Face à une possible pression des milieux conservateurs, l’identité de la magistrate n’a pas encore été dévoilée.
Enjeux économiques
La tentation pour les opposants au mariage gay serait de faire modifier le code civil, comme c’est actuellement le cas dans l’Etat de Queretaro. Mais cela signifierait rompre avec l’image d’une région tolérante et qui compte parmi les destinations préférées des communautés LGBT. «C’était aussi ça l’enjeu. Nous travaillons avec les autorités en charge du tourisme pour faire de Cancun et de la Rivera Maya une zone gayfriendly. On ne peut pas dire aux homosexuels "venez chez nous" et dans le même temps leur refuser l’égalité des droits.» Les enjeux économiques sont de taille et les procédures en attente nombreuses. Une dizaine de couples s’est rapprochée de l’organisation de Patricia, mais au total quelques 200 couples mexicains, américains et européens prévoient de célébrer leur union sur les plus belles plages du pays dans les semaines à venir.
Accompagné par l’association de Mexico Agenda LGBT et son avocat Jaime Lopez Vela, Diversidad Somos Todos a agit dans la plus grande discrétion. La prochaine étape est le lancement d’une campagne sur l’égalité des droits et la simple possibilité de faire respecter la loi. «Dans certaines régions d’Europe ou des Etats-Unis, on est encore fermé sur ces sujets. A Cancun, on a su montrer que même dans un pays aussi machiste que le Mexique, il est possible de faire valoir ses droits dans la paix et la non-violence. C’est historique.»