Le 1er février, par sa décision n°2018-761 QPC, le Conseil constitutionnel déclare la pénalisation des client·e·s des travailleur·se·s du sexe conforme aux droits et libertés garanties par la Constitution.
La Fédération LGBTI+ pointe l’incurie des pouvoirs publics qui légitiment la dégradation des conditions de vie, de la santé et de la sécurité des travailleur·se·s du sexe. Le conseil constitutionnel se rend complice de la putophobie d’État encouragée par les groupes abolitionnistes.
La loi du 13 avril 2016 avait déjà fait l’objet de vives critiques lors de son adoption par les deux Chambres. D’un côté, une alliance de fait s’était installée entre certains courants féministes essentialistes et la frange la plus intégriste de l’Église catholique. Cette alliance se battait pour la pénalisation des client·e·s au nom du dogme abolitionniste. D’un autre côté se mobilisaient les associations de terrain, les associations liées au travail du sexe et les associations de promotion de la santé. Toutes ensemble, elles tiraient la sonnette d’alarme : la pénalisation des client·e·s conduirait à accroître les violences faites aux femmes et ne lutterait pas efficacement contre les réseaux de traite des êtres humains. La majorité socialiste, sans surprise, avait alors décidé de se ranger du côté d’un camp conservateur très mobilisé, au mépris de la santé des personnes concernées.
Dans ce contexte, la décision du Conseil constitutionnel vient porter un rude coup aux droits humains des travailleur·se·s du sexe et à la santé publique.
Le Conseil constitutionnel écarte tous les arguments apportés par les associations et les personnes requérantes et donne un blanc-seing au gouvernement, responsable de la mise en danger des travailleur·se·s du sexe.
Par ailleurs, les associations attendent toujours le rapport gouvernemental sur l’évaluation de la loi – qui devait intervenir dans le courant de l’année 2018.
Le Conseil constitutionnel considère ensuite que les mesures répressives prévues par le texte ne sont pas disproportionnées par rapport à l’objectif de la loi, reprenant à son compte toute l’argumentation des mouvements abolitionnistes sur les réseaux de prostitution et le proxénétisme. Les sages seraient-ils devenus fainéants et crédules ?
La pénalisation des client·e·s des travailleur·se·s du sexe est enfin – et c’est le plus dangereux pour nos libertés – justifiée par les considérations d’ordre public et plus précisément par la recherche de la préservation de la dignité humaine. Ce principe de dignité, fortement contesté, est utilisé une fois encore comme fourre-tout, évoluant insidieusement vers un ordre moral puritain.
La Fédération LGBTI+ rappelle son opposition à toute forme de pénalisation du travail du sexe. Alors que nombre de ses publics sont concernés par celui-ci*, elle s’inquiète des effets déplorables de la pénalisation des client·e·s : tous les indicateurs montrent une augmentation des agressions faites sur les personnes et des taux de vulnérabilité accrus face au VIH, aux hépatites et aux IST.
La Fédération LGBTI+ dénonce la complicité active des associations catholiques ou féministes abolitionnistes, telles que le Mouvement et l’Amicale du Nid. Leur lecture morale et idéologique du travail du sexe se fait au mépris d’enjeux cruciaux de santé publique.
La Fédération LGBTI+ exprime sa solidarité avec les personnes travailleuses du sexe et leur assure qu’elles peuvent trouver en elle et ses associations membres des alliées dans la défense de leurs droits humains.
* personnes transgenres sans papiers d’identité conformes à leur genre pour pouvoir trouver un emploi, personnes migrantes, jeunes LGBTI mis à la porte par leurs parents