En ce jour d’hommage national, la Fédération LGBTI+ salue la mémoire de Robert Badinter, mort à l’âge de 95 ans le 9 février 2024.

Robert Badinter est décédé le jour anniversaire de l’arrestation de son père par la Gestapo dirigée par Klaus Barbie, dans la rafle de la rue Sainte-Catherine à Lyon, le 9 février 1943.

Ministre de la Justice, Robert Badinter présentera à l’Assemblée nationale, le 17 septembre 1981 – au nom du gouvernement de la République -, le projet de loi abolissant la peine de mort. Respectant la promesse du candidat François Mitterrand, la loi du 9 octobre 1981 proclamera l’abolition de la peine de mort en France, Abolition entrée depuis dans notre Constitution.

Son combat se poursuivra sa vie durant contre toutes les injustices, dont entre autres celle faite aux homosexuel·le·s en France.

Il n’est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels

Le 20 décembre 1981, il sera aux côtés de Gisèle Halimi, rapporteuse de la proposition de loi portée par le député socialiste du Territoire de Belfort, Raymond Forni.

Robert Badinter marquera les esprits à la tribune de l’Assemblée nationale, avec sa fameuse formule : Il n’est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels.

La dépénalisation des relations homosexuelles avec les mineurs de plus de quinze ans était aussi une promesse de François Mitterrand, lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 1981.

Après plus de six mois de débats, l’Assemblée nationale votera le 27 juillet 1982 la loi du 4 août 1982 qui abrogera, symboliquement 40 ans au jour près, l’alinéa 2 de l’article 331 du Code pénal. Créé sous le régime de Vichy, signé par Pétain, et maintenu par le gouvernement provisoire de la République française par l’ordonnance du 8 février 1945, cet alinéa a établi une distinction discriminatoire sur l’âge de la majorité sexuelle, défini à 21 ans pour les rapports homosexuels, âge ramené à dix-huit ans en 1974, alors que pour les rapports hétérosexuels, la majorité était de treize ans puis de quinze ans.

Au-delà de son action en France, l’ancien garde des Sceaux a toujours pris position pour une dépénalisation universelle de l’homosexualité. Il appelait encore récemment à la mobilisation internationale contre toutes les formes d’injustices.

Son combat contre l’antisémitisme, lui dont la famille fut si durement éprouvée par la Shoah, l’amena à combattre avec acharnement le négationnisme et ses séides, n’hésitant pas à quitter toute pondération pour entrer dans une colère salutaire contre la barbarie.

En ce jour d’hommage national, la Fédération LGBTI+ joint sa voix à toutes celles exprimant leur admiration et leurs remerciements pour tant d’humanité à Robert Badinter, entré au Panthéon de celles et ceux à qui les personnes homosexuelles doivent tant.

La Fédération LGBTI+ forme le vœu que son incarnation de l’engagement fasse se lever de nombreuses et nombreux Robert Badinter à travers le monde pour la défense de toutes les minorités, notamment celles LGBTI+.

Après le remaniement et l’installation du Gouvernement de Gabriel Attal, la Fédération LGBTI+ entend poursuivre ses mobilisations LGBTI+ et engager le dialogue avec la nouvelle équipe gouvernementale.

Elisabeth Borne était une femme de dossier qui valorisait la compétence technique et les réponses concrètes dans le contexte d’une majorité relative à l’Assemblée nationale. C’est sous son mandat que les Centres LGBTI+ ont bénéficié d’un fonds exceptionnel et d’un plan national pour l’égalité qui, s’ils comportent des lacunes, demeurent des points d’appui.

La Fédération LGBTI+ lui exprime sa reconnaissance. Nous saluons également les deux ministres déléguées à l’égalité qui se sont succédé, même si nous déplorons la brièveté et la volatilité de ces postes. Isabelle Lonvis-Rome a mis ses compétences et ses convictions de magistrate au service de la lutte contre les discriminations. Elle fut, avec les agent⋅e⋅s du ministère, la cheville ouvrière du plan national pour l’égalité. Bérangère Couillard a contribué à remettre sur la table la question du changement d’état civil libre et gratuit.

Malgré tout, les associations LGBTI de terrain ne digèrent pas la loi immigration et se joindront aux mobilisations, aux côtés des autres organisations de soutien aux sans-papiers. Cette loi doit être abrogée. C’est impératif.

Nouvelle équipe, nouvelles questions

Que le nouveau Premier ministre Gabriel Attal soit ouvertement gay est une avancée symbolique qu’il ne faut ni sur-estimer, ni sous-estimer. Tout au plus cela atténue-t-il le plafond de verre en politique pour les LGBTI+. Mais pour l’instant, nous ne connaissons pas la ligne de cette nouvelle équipe sur les questions LGBTI+. Des perspectives positives ne sont pas à exclure : cela dépendra essentiellement de la capacité de mobilisation du mouvement LGBTI dans son ensemble.

Nous nous interrogeons toutefois sur la nomination d’Aurore Bergé qui, par le passé, a commis l’erreur de s’afficher aux côtés d’extrémistes transphobes. Nous entendons engager le dialogue avec notre nouvelle ministre et lui exposer les réalités de terrain. L’homophobie et la transphobie sont des délits et non des opinions : l’exigence d’ordre républicain implique le respect des droits de toutes et tous, sans exception. Nous sommes également surpris⋅e⋅s de la nomination de Catherine Vautrin. Nous nous souvenons qu’elle avait été écartée de Matignon, il y a moins de deux ans, en raison de ses accointances avec La Manif Pour Tous.

Les associations de terrain ne se satisferont pas de communication politique. Elles attendent des réponses concrètes, tant en matière de répression et de prévention des délits et crimes anti-LGBTI qu’en matière de soutien aux communautés sur le territoire. Nous engagerons le dialogue avec la nouvelle équipe gouvernementale et poursuivrons nos mobilisations en faveur de l’égalité des droits.