La Journée mondiale du souvenir transgenre, TDoR (Transgender Day of Remembrance) en anglais, a lieu le 20 novembre, à l’initiative de militant·e·s transgenres du monde entier pour commémorer les victimes de la transphobie de l’année passée.

Pour les personnes transgenres et leurs allié·e·s, ce 20 novembre vient inscrire le même constat dramatique que les années passées : la transphobie continue de tuer. Une des conséquences de la transphobie est qu’il n’existe pas de recensement public des homicides transphobes dans le monde. Ce sont donc des associations qui se chargent de cette tâche. De nombreux territoires ne sont pas couverts par ce travail de comptabilisation, en l’absence d’organisation militante. Dans les pays où des associations sont présentes, le caractère transphobe des crimes n’est pas toujours reconnu. La transphobie n’existe pas souvent dans la législation ou bien elle est difficilement considérée par les forces de l’ordre ou la Justice du pays. De plus, des disparitions de personnes transgenres sont fréquentes à certains endroits du monde et cachent souvent des meurtres. Chaque année, les chiffres des victimes de la transphobie sont donc une fraction de la réalité.

Dans son rapport 2023, TGEU compte 320 homicides transphobes, dont 235 en Amérique latine et aux Caraïbes. L’écrasante majorité des victimes comptées étaient des femmes ou des personnes transféminines. La haine sexiste vient donc toujours aussi violemment se coupler à la transphobie.

Le racisme est lui aussi un moteur de la violence transphobe. 80% des victimes recensées étaient racisées. En Europe, les chiffres sont sans équivoque : 45% des homicides ont été commis sur des personnes exilées. Ces personnes ont payé de leur vie les discours et politiques xénophobes.

Une autre population durement touchée par la transphobie est celle des travailleur·se·s du sexe, (48% des victimes mondiales, 78% des victimes en Europe). La transphobie génère de la précarité et s’ajoute aux lois et réglementations réprimant le travail du sexe, telles qu’en France. Les personnes cumulent des facteurs de vulnérabilité les exposant à des situations dangereuses.

Cette année encore, quand les informations sont disponibles, les meurtres recensés se révèlent très brutaux. Ils sont souvent commis soit dans l’espace public, soit par des proches au domicile de la victime.

La journée du souvenir transgenre est aussi un moment pour pleurer les personnes qui ont mis fin à leur vie, usées de lutter pour exister dans un monde transphobe. Les discriminations et la violence ont des conséquences terribles sur la santé mentale et physique des personnes transgenres. Au sein des associations de la Fédération LGBTI+, le suicide de personnes transgenres, souvent très jeunes, est une réalité tristement connue de tou·te·s. Chaque année, nous disons au revoir à des ami·e·s, des amant·e·s, des bénévoles, des membres de notre famille, des collègues, des camarades de lutte. La transphobie n’est pas un débat théorique.

Les meurtres et suicides sont les marqueurs d’une pyramide de violences à la base très large et dont les discriminations, le rejet social et les difficultés d’accès à la santé font le terreau. En France, la législation sur le changement d’état civil contribue à rendre les vies des personnes transgenres plus difficiles. Lors des dernières Rencontres de la Fédération LGBTI+ à Lyon, la Ministre en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Madame Bérangère Couillard, a annoncé que « les démarches pour changer de nom et de genre pourraient prochainement se faire en mairie et non plus auprès de la justice ». La Fédération LGBTI+ rappelle l’enjeu de cette évolution nécessaire de la loi. Il s’agit de protéger les personnes transgenres en leur permettant d’accéder à des papiers d’identité conformes à leur identité et respectant leur vie privée.

En France, avec une plus grande visibilité de la transidentité, les Centres LGBTI+ sont de plus en plus sollicités pour former et sensibiliser des professionnel·le·s dans de nombreux domaines d’activité, notamment dans la fonction publique. Les moyens dérisoires dont les associations disposent ne permettent pas de répondre à ces demandes dans de bonnes conditions. Lutter contre la transphobie nécessite des moyens humains, matériels et financiers, sous peine de ne pas pouvoir suivre les évolutions de la société.

Dans le même temps, la transphobie n’a jamais été aussi virulente et une grande place lui est laissée dans les médias. Le monde médical et les pouvoirs publics sont tentés par les discours haineux de nouveaux mouvements transphobes, affichant souvent une proximité nauséabonde avec des courants complotistes ou d’extrême-droite. Plutôt que de céder à des paniques morales créées de toute pièce, il est urgent de s’inquiéter de la réalité de la transphobie. Ce sont des vies qui sont en jeu.

En cette journée du souvenir transgenre, face aux violences, face à la haine, nos centres LGBTI+ et associations LGBTI+ sont mobilisés pour faire avancer le respect et les droits humaines des personnes transgenres.

La Fédération LGBTI+ a diffusé le 20 septembre un communiqué appelant à la vigilance contre les campagnes menées par l’extrême droite et les intégristes au sein des communautés éducatives, en particulier contre l’éducation sexuelle et la prévention des haines anti-LGBTI+. Sous l’œil attentif de la société civile, un colloque organisé par l’association « Parents Vigilants » au Sénat, le 4 novembre dernier, met en évidence les liens entre le parti politique « Reconquête » et des associations – prétendument apartisanes – qui s’opposent à l’égalité des droits, dans un contexte croissant de menaces pesant sur la sécurité des personnes.

L’affaire des tracts de Villeneuve d’Ascq

Il y a quelques jours, les associations LGBTI+ constataient avec stupeur la diffusion d’un tract transphobe dans les boîtes aux lettres des familles de Villeneuve d’Ascq. En réponse à Lille actu qui l’interrogeait sur ses activités, l’association SOS Éducation – prise la main dans sac – s’est hypocritement défendue de toute transphobie.

Si le site d’actualité régionale n’a pas su déjouer, il était pourtant facile de le mettre en évidence. En effet, sur son site internet, l’association nie l’existence de la transidentité comme fait non-pathologique (1ere position transphobe !), s’oppose farouchement à l’autodétermination des personnes transgenres (2ème position transphobe !) et se dresse ouvertement contre les ONG LGBTI+ qui luttent pour l’égalité des droits et le droit à l’autodétermination des personnes transgenres mineures comme majeures (3ème position transphobe !)

Par ailleurs, si cette association se défend de toute affiliation politique, il n’est guère plus difficile de confondre ce grotesque apolitisme de façade. Les liens de leur porte-parole Sophie Audugé avec l’extrême droite sont aujourd’hui démontrés. Ainsi, son nom figure noir sur blanc sur le programme du colloque organisé par « Parents Vigilants » au Sénat le 4 novembre dernier, pour traiter d’un prétendu « grand endoctrinement à l’école et à l’Université ».

Filiale de « Reconquête » dans les écoles et les établissements, « Parents Vigilants » était alors l’invitée de Stéphane Ravier. Le sénateur « Reconquête » des Bouches-du-Rhône lui a prêté les clés du Palais du Luxembourg le temps d’un après-midi. Pour apolitique qu’elle se présente, SOS Éducation a pourtant répondu à cette sulfureuse invitation, et à applaudir la conclusion de ce colloque par Marion Maréchal-Le Pen et par Eric Zemmour, partisan du Maréchal Pétain multi-condamné pour injures racistes et homophobes.

Le masque de la neutralité politique est donc tombé, laissant entrevoir les liens étroits – déjà bien identifiés – entre SOS Éducation, “Parents Vigilants” et le parti d’extrême droite Reconquête.

Une mobilisation citoyenne contre les violences !

Les élu·e·s ont enfin pris conscience de ce grave problème. Victor Burette, adjoint au maire de Villeneuve-d’Ascq à la démocratie participative a ainsi dénoncé l’opération de SOS Éducation auprès de ses administré·e·s et a procédé à un signalement au Procureur de la République (bien !).

Dans la foulée de la mise au jour du colloque organisé au Sénat, Benjamin Lucas (député NUPES des Yvelines) a demandé une commission d’enquête parlementaire à propos de « Parents Vigilants », qu’il a qualifiée de “milice zemmourienne des écoles” : une parole utile qui rappelle que cette organisation est désormais bien connue pour semer la terreur dans les écoles et les établissements.

Nous avons de bonnes raisons d’être, tout·e·s, très inquiète·s… D’autant que nous attendons toujours une parole rassurante de fermeté de la part des autorités, et des actes de protection à la hauteur de notre inquiétude. Ainsi, une semaine après l’abominable assassinat terroriste de Dominique Bernard, le syndicat majoritaire de l’enseignement public – SNES-FSU – s’est indigné par communiqué de la campagne de cyberharcèlement orchestrée par les mêmes “Parents Vigilants” contre Sophie Djingo, professeure de philosophie à Valenciennes… Sophie Vénétitay, secrétaire générale du syndicat, pointait, sur X, « une banalisation de leur parole, de leurs actes et même une forme d’institutionnalisation. Dans un silence officiel inquiétant. »

Si les enseignants revendiquent de pouvoir exercer leur métier en toute sécurité, nos associations refusent catégoriquement d’exposer leurs intervenant·es bénévoles à la menace constante de ces structures qui sèment la terreur dans les communautés éducatives. Combien de temps encore allons-nous devoir supporter ce climat pesant de menace et de violence à l’encontre des personnes LGBTI+ et de leurs allié·es ?

La Fédération LGBTI+ apporte son soutien plein et entier à Sophie Djingo, à tous les personnels de l’Éducation nationale menacés, à toutes les familles ciblées par les campagnes de désinformation et à tous les jeunes LGBTI+. Elle rappelle son attachement majoritaire à défendre le droit à l’autodétermination des personnes transgenres, majeures comme mineures, n’en déplaise à l’extrême droite et à ses affidé·es – qu’il s’agisse de leurs bras armés ou de leurs think-tanks.

Nous appelons les autorités ministérielles à ne témoigner d’aucune faiblesse face à ces groupuscules radicaux, minoritaires et violents, et à poursuivre leur politique d’ouverture et de lutte pour l’égalité, la non-violence et l’amélioration du climat scolaire.

Depuis plusieurs mois, une des associations de la Fédération LGBTI+, le Centre LGBTI+ de Lyon, et les membres de son Conseil d’Administration subissent des attaques répétées émanant tout autant d’opposant·e·s aux droits humains que de membres de la communauté LGBTI+ locale.

La Fédération LGBTI+ témoigne de tout son soutien à l’équipe du Centre de Lyon et salue son engagement et sa détermination pour l’avancée des droits de tou·te·s malgré ce contexte local hostile.

Les dernières Rencontres de la Fédération LGBTI+ s’y sont tenues fin août. Ce fut l’occasion pour les militant·e·s venu·e·s de toute la France d’apprécier le travail sérieux de l’équipe et son grand attachement aux valeurs de respect et d’inclusion.

Dans un climat d’augmentation des violences envers les personnes et mouvements LGBTI+ partout en France, que le Centre de Lyon soit pris pour cible par des extrémistes locaux n’est malheureusement pas une surprise. Lors de la saison des Marches des Fiertés LGBTI+, il n’est par exemple presqu’aucun événement qui n’ait eu à déplorer une agression ou une intimidation.

Cependant, les membres du bureau du Centre LGTI+ de Lyon subissent aussi des attaques abjectes venant de la communauté LGBTI+, très éloignées de débats de fond. La pluralité d’actions et de points de vue est toujours enrichissante dans la lutte. Il s’agit ici d’actes d’intimidation et de vengeance dirigés lâchement contre des personnes. La Fédération LGBTI+ ne peut que déplorer ces méthodes et encourage les militant·e·s dans leur démarche de dépôt de plainte à la suite de ces attaques.

Des actions du Centre LGBTI+ de Lyon et de ses partenaires ont fait l’objet d’actes de malveillance de la part d’autres structures. Sans s’immiscer dans le débat militant local, la Fédération LGBTI+ regrette que le dialogue et la voie de la coopération n’aient pas été choisis par ces structures. Nous avons un objectif commun de transformation de la société vers davantage de respect et de solidarité. Faire vivre ces valeurs commence dans notre communauté. Le désaccord sur les actions d’une association peut s’exprimer dans la critique et la pluralité des mobilisations. S’abaisser à choisir les violences est inacceptable.

La Fédération LGBTI+ se désole notamment qu’une association lyonnaise autrefois membre de notre Fédération et cheville ouvrière d’une fructueuse solidarité inter-associative nationale puisse aujourd’hui s’abaisser à de viles attaques sur une autre association LGBTI+.

Aux côtés des autres associations de la Fédération LGBTI+, le Centre LGBTI+ de Lyon continuera d’œuvrer pour toutes les personnes LGBTI+, de défendre les plus vulnérables et de promouvoir la solidarité.