La Fédération LGBTI+ observe avec inquiétude la multiplication des cas de variole du singe (“Monkeypox”) et alerte sur une réponse de l’Etat qui n’est pas à la hauteur de la gravité de l’épidémie.

Il est désormais clair, après plusieurs semaines de retour d’expérience, que les infections suivent bien une courbe exponentielle (doublement des cas chaque semaine). Même si, pour l’heure, l’infection touche surtout des publics très précis, ce virus ne s’arrêtera pas aux frontières des sexualités et genres minoritaires. D’ailleurs, le flou entoure encore les publics cibles de la vaccination selon les régions et les autorités sanitaires : il est clair que les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (lorsqu’ils sont multipartenaires) sont ciblés ainsi que les personnes immunodéprimées, mais les publics des personnes transgenres multipartenaires et travailleur·se·s du sexe ne sont pas avancés de façon unanime dans les institutions de la santé.

Nous disposons des solutions techniques éprouvées pour endiguer l’épidémie : les vaccins anti-varioliques existent et ont déjà démontré toute leur efficacité. Cette maladie, bien qu’a priori non mortelle dans nos pays occidentaux, est tout de même extrêmement douloureuse et effrayante. L’OMS l’a classé en “urgence de santé publique de portée internationale”, ce qui ne fait que confirmer ce que nous sentions venir depuis plusieurs semaines, à savoir l’arrivée d’une nouvelle épidémie qui se diffuse par le biais des publics les plus discriminés.

La réponse des autorités françaises et européennes est bien en-deçà de ce que nous serions en droit d’attendre d’institutions de pays développées et industrialisées. La vaccination a été ouverte fin juin à quelques groupes de population, mais la gestion de l’épidémie s’annonce assez mal.

Tout d’abord, nous relevons, avec bien d’autres associations, l’opacité de l’État sur le stock stratégique de vaccins anti-varioliques. En effet, le gouvernement oppose à l’exigence de transparence le secret défense qui s’appliquerait aux stocks de vaccins.

Ensuite, les données dont nous disposons malgré tout ne sont guère rassurantes. Les informations émanant des Agences Régionales de Santé pointent vers les mêmes ordres de grandeur : 5000 doses de vaccins destockées par semaine. Il s’ensuit des listes d’attente interminables, avec un facteur d’incertitude du côté des centres de vaccination en Cegidd qui ferment pendant les vacances d’été, en pleine première vague. Même si nous ne doutons pas qu’une “montée en charge progressive” soit programmée, c’est clairement beaucoup trop lent et même insuffisant. Avec une évaluation basse, la population à vacciner se situerait autour de 120 000 personnes.

Tant en France qu’à l’échelle de l’Union européenne, les autorités ne semblent pas avoir pris la mesure des moyens à déployer. Ainsi, l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) a annoncé la commande de 110 000 doses, ce qui ne couvre pas même les besoins actuels de la France ! Une broutille en comparaison des États-Unis qui viennent de commander 2,5 millions de doses pour 2023. Tout porte à croire que la France et l’Europe prennent le risque de laisser courir l’épidémie plutôt que de prendre des mesures à la hauteur de l’enjeu.

La Fédération LGBTI+ s’inquiète enfin du potentiel de stigmatisation que renferme cette maladie. Sans être aussi létale, cette nouvelle épidémie pourrait réveiller les stigmates que les personnes LGBTI ont vécu et vivent parfois encore avec le VIH. Elle risque d’entraîner dans son sillage des relents de discriminations LGBTIphobes qui entraînent à leur tour des souffrances psychologiques pour les populations ciblées et banalisent les agressions à leur encontre.

Nous attendons de l’État qu’il prenne au sérieux les alertes des associations LGBTI, maintenant confirmées par l’OMS. La transparence sur les stocks stratégiques est pour nous un prérequis indispensable. Nous exigeons que l’État commande des vaccins en nombre suffisant pour protéger les populations de cette nouvelle épidémie. Nous demandons l’ouverture de sites de vaccination facilement accessibles sur tous les territoires. Les associations et Centres LGBTI sont pleinement mobilisés face à cette nouvelle menace et sont en première ligne. Nous exigeons d’être associé·e·s à l’élaboration d’une réponse proportionnée au danger, en vertu de nos compétences en santé communautaire et dans le plein exercice de nos responsabilités dans les appareils de démocratie sanitaire.

ECard 44e Rencontres de la Fédération LGBTI+

La Fédération LGBTI+ s’est réunie au Centre LGBTI+ de Paris – Île-de-France ce week-end pour ses Rencontres d’été.

Jean-Christophe TESTU, président de la Fédération LGBTI+, a ouvert les travaux samedi matin. Le militant LGBTI+ issu de Bordeaux et des Landes a rappelé que les Centres LGBTI+ renouaient enfin avec ces Rencontres estivales après trois ans d’absence et une crise sanitaire encore loin d’être résolue. « Ces rencontres sont ambitieuses, car elles traitent des trois piliers de notre travail associatif : les moyens, le plaidoyer et la déontologie ». Des rencontres rythmées par des réunions thématiques sur deux jours et des moments de convivialité.

La bataille des moyens

Réunion des référent·es de la Fédération LGBTI+ accueilli·es par les responsables du Centre LGBTI+ de Paris
Réunion des référent·es de la Fédération LGBTI+ accueilli·es par les responsables du Centre LGBTI+ de Paris

Dès les 43e Rencontres de Nancy l’hiver précédent, les associations membres avaient adopté une motion pour engager la bataille des moyens pour les Centres LGBTI+.

Le constat est unanimement partagé au sein des Centres LGBTI+. Animés par une culture du militantisme et du bénévolat, les Centres LGBTI+ disposent de moyens sous-dimensionnés par rapport à leurs missions d’intérêt général : prévention des discriminations et action éducative, accompagnement des victimes, solidarité vis-à-vis des demandeur·ses d’asile LGBTI+, promotion de la santé selon une démarche communautaire, accueil inconditionnel, etc. La Fédération LGBTI+ entend promouvoir cette identité commune des Centres LGBTI+ autour de missions d’intérêt général, qui transcende la diversité des pratiques, des cultures associatives et des publics des Centres LGBTI+.

L’atelier mené par Hervé Latapie (administrateur et militant historique du Centre LGBTI+ de Paris-Île-de-France), a pu confirmer ce diagnostic. En comparant les budgets et le fonctionnement des Centres LGBTI+ de France avec ceux de structures françaises ou étrangères (notamment les « Maisons Arc-En-Ciel » en Wallonie), le constat est sans appel : « En France, les Centres LGBTI+ sont des associations à petits budgets, avec de gros besoins impossibles à couvrir dans les conditions actuelles. Le sujet des budgets de fonctionnement devrait être mis sur la table systématiquement. Cela ne doit pas empêcher les associations de faire preuve de créativité ! » Organisation de loteries à Bordeaux, gestion rigoureuse de la trésorerie à Perpignan, vente de goodies à Paris, rigoureuse comptabilité analytique à Nancy, proposition de mutualisation des achats depuis Rennes, etc. : les Centres LGBTI+ ne manquent pas d’idées !

Un autre sujet connexe est revenu sur la table : celui des salarié·es des Centres LGBTI+. « Les jeunes générations ne sont pas disposées à s’engager de la même façon que les anciennes générations », constate Beñat Gachen (représentant de l’association « les Bascos », association LGBTI+ du Pays Basque).

Un constat partagé : les jeunes adultes militent volontiers dans les Centres LGBTI+ mais leur vie est davantage marquée par la précarité et leur conception du militantisme est plus volatile. Par ailleurs, tout modèle reposant sur le bénévolat expose les associations aux aléas personnels et de santé, aux contraintes d’agenda… « Dans ces conditions, ajoute-t-il, disposer de personnels de façon pérenne – y compris à des postes de direction – devient vital pour les structures ».

Pour engager la bataille des moyens, les pistes ne manquent pas. Mais elles supposent que les Centres LGBTI+ poursuivent leurs échanges de bonnes pratiques, mutualisent les moyens et mènent une action de fond. La Fédération LGBTI+ entend ainsi porter publiquement et fortement la question des moyens pour financer le fonctionnement de structures de solidarité incontournables. Les moyens des Centres LGBTI+ sont donc appelés à devenir un élément essentiel du plaidoyer commun des Centres LGBTI+.

Au cours du mois d’août, les échanges seront synthétisés pour produire des supports pour la gestion des subventions et de la trésorerie, ainsi qu’un dossier pour la demande de financement d’un poste de salarié.

Visite de Sophie Élizéon, silence de la Ville de Paris

Réunion des référentEs de la Fédération LGBTI+ avec Sophie Elizéon au Centre LGBTI+ de Paris
Sophie Élizéon rencontre les référent·es de la Fédération LGBTI+ au Centre LGBTI+ de Paris

La Fédération LGBTI+ a eu l’honneur de recevoir Sophie Elizéon, préfète en charge de la DILCRAH, pour échanger sur les politiques publiques LGBTI. Les référent·es de la Fédération LGBTI+ ont interrogé Mme la Préfète sur les orientations de la DILCRAH, en particulier sur le montant et sur la répartition du budget dédié à la lutte contre les discriminations anti-LGBTI+. Nous avons pu aborder d’autres sujets d’actualité, notamment le positionnement de la DILCRAH et du conseil scientifique sur la question des mineur·es transgenres. La Fédération LGBTI+ est sortie confiante de cet échange.

La Ville de Paris n’a pas répondu favorablement aux sollicitations de la Fédération LGBTI+ pour échanger, notamment sur la question du Centre d’archives. Une absence remarquée et regrettée, car la Fédération LGBTI+ est très attentive à l’attitude des municipalités vis-à-vis des Centres LGBTI+. Si l’organisation de nos Rencontres à Paris est une première historique, c’est aussi la première fois qu’une municipalité boude ainsi des militant·es LGBTI+ venu·es de tout le pays, de Bayonne à Saint-Avold.

Revendications partagées et questions éthiques

Le travail sur les revendications partagées a occupé une bonne partie des travaux de la Fédération LGBTI+ depuis le confinement. Si la crise sanitaire a beaucoup ralenti les équipes, le travail a pu reprendre et les revendications prennent forme. Les référent·es y ont consacré leur première demi-journée, sur l’ensemble des textes et sur le texte consacré à la Gestation Pour Autrui (la Fédération LGBTI+ a pris position depuis près de 10 ans en faveur de la légalisation de la GPA dans un cadre éthique).

Post-it avec les idées des référent·es au cours de l'atelier sur l'hétérogénéité
Les référent·es ont réfléchi ensemble aux situations concrètes des Centres LGBTI+, en particulier quand des publics différents doivent cohabiter

Une partie des travaux a été consacrée aux enjeux éthiques du bénévolat dans les Centres LGBTI+, en particulier face à l’hétérogénéité des publics, que ce soit en termes de générations de militant·es, de trajectoire personnelle, de vocabulaire, etc. Les Centres LGBTI+ ont pu mettre en évidence les frictions et les atouts d’une telle situation, et la ligne de conduite à adopter, centrée sur l’humain, le vivre-ensemble et les intérêts communs de la communauté LGBTI+ dans sa diversité.

Ce fut également l’occasion de travailler sur un enjeu d’actualité : celui de l’éthique du consentement et les réponses à des situations concrètes – parfois délicates – rencontrées par les bénévoles des associations. Loin des polémiques médiatiques autour du consentement ou des violences sexuelles et sexistes, les bénévoles des Centres LGBTI+ ont pu échanger et réfléchir ensemble, pour analyser des situations de vie quotidienne et y répondre avec lucidité et discernement.

Les Rencontres ont été l’occasion pour les référent·es de bénéficier d’une visite guidée du Marais par Hervé Latapie, ainsi que de moments de partage et de convivialité. Les Rencontres d’Été se sont conclues sur le calendrier du second semestre 2022. Les référent·es de la Fédération LGBTI+ se sont donné·es rendez-vous à la fin du mois de février pour les Rencontres d’Hiver au Pays basque.

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